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Un mot partagé...

Ecrire, écrire, écrire…

Pourquoi? Pour partager, témoigner, pour tisser des liens, alléger le coeur…

Oui! Cela fait deux jours que me traverse l’envie de partager cette rencontre.

Assis sur un banc, je contemple la beauté du lac. Les canards atterrissent sur l’eau avec une agitilité sans nom. Ils se reposent, flottent en compagnie l’un de l’autre et puis soudain, battent leurs ailes de toutes leurs forces pour s’envoler à nouveau.

S’envoler vers où? S’envoler pourquoi? S’envoler pour rejoindre qui? S’envoler…

Sur le banc d’à côté, une femme sort de son sac un petit plat qu'elle mange en silence. Contemplant les oiseaux, le calme de l’eau, les hommes et femmes qui passent.

Un homme passe devant moi. Il a l’air désespéré. Sa mine et son regard lui donnent un air triste. A la vue de deux canards qui s’apprêtent à atterrir sur l'eau, il arrête tout mouvement, il reste là, immobile. Emerveillé par le spectacle, il sourit.

L’attention qu’il porte pour ce petit moment de vie me touche. Il continue sa marche et s’arrête sur le banc à ma droite.

Je déguste mon petit plat préparé ce matin avec attention. Les pensées vagabondent néanmoins dans mon esprit. Pourquoi cet homme seul, émerveillé par les oiseaux, une bières en main, une cigarette éteinte?

Je sors mon orange, la pèle et lui propose une moitié. Il ne m’entend pas. Je répète: “tu veux partager?”.

“Oh yes, vitamines!” me répond-il avec entrain. Il s’assied à coté de moi.

Ali, la trentaine. Plus? Peut-être… Je ne sais pas, je ne lui ai pas demandé. Ce n’est pas important. Ali… Il vient d’Iran. Il a quitté son pays il y a 20 ans. Depuis? Il a vécu en Angleterre qu’il a quitté il y a quatre ans. Depuis, Ali vit entre l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse… et puis, ici! Ici! Devant moi! Il ne sait pas où aller. Il n’a pas de papiers. Il est demandeur d’asile.

Ce matin, Ali avait son entretien pour sa demande d’asile en Belgique. Il avait rendez-vous à 8h. Il a été entendu à 16h.

Ce soir? Il doit être dans un lit qu’il a reçu pour se reposer 12h au chaud dans le samu social. Comme chaque soir depuis qu’il est arrivé en Belgique. L’incertitude le guète chaque matin quand il est sur le trottoir à 8h du matin; Auront-ils une place pour lui ce soir?

Demain? Il va sans doute repartir. Il ne sait pas. Il n’a pas de toit en Belgique. Pourquoi rester ici? Il est à la rue du matin au soir. “Je préfèrerais la prison” me dit-il.

"Deux semaines. Ils m’ont dit d’attendre deux semaines. Qu’est ce que je vais faire d’ici là? Où vais-je dormir?" Sont les mots qui sortent de sa bouche.

Demain, je le revois sans doute pour la dernière fois. Il veut me demander conseil avant de partir.

Partir vers où? Partir pourquoi? Partir pour rejoindre qui? Partir…

Il ne sait pas… Je ne sais pas… à quoi cela rime? "Tout cela est de ma faute" me confie-t-il au téléphone…

Le pouvoir d’une rencontre. La magie d’un geste, d’un mot, d’un sourire qui lie deux destinées à priori étrangères. Sans doute, cela serait plus facile de rester dans mon coin, de ne pas tendre la main vers l’autre. Et pourtant… et pourtant… Cela engage, cela donne du sens, cela tisse des liens, cela donne espoir, cela réchauffe le coeur, cela ouvre les yeux… vers notre humanité!

Que faire pour cet homme? Il y en a tant qui sont dans sa situation…

La seule différence, celui-ci a croisé mon chemin.

Sans doute ai-je déjà fait ce que j’avais à faire.

J’accepte… et j’écris ces mots…

“Aujourd’hui, je n’arrive plus à réfléchir. Demain, je prendrai une décision” me dit-il ce soir avant de raccrocher.

Bonne idée, je fais de même…

Quelques jours plus tard, rencontre au café. Ce qui l'anime, c'est la liberté! "Si je fais tout cela, c'est pour montrer que je ne suis pas d'accord. Tant que cela durera, je continuerai." me dit il avec un grand sourire.


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